Reconquérir l’espace au XXIe siècle : les romans de la « délocalisation »
Parmi les marqueurs les plus idenfiants du monde contemporain, on pourrait évoquer la mondialisation et le « village planétaire » de M. McLuhan, l’emprise croissante des Nouvelles Technologies d’Information et de Communication, l’omniprésence dans notre environnement de cet espace dématérialisé que constitue le web, les questions migratoires, …, autant d’éléments qui modifient en profondeur la construction de notre rapport au monde, au paysage comme au territoire, à la distance comme au point, à la vitesse comme à la lenteur. Le sujet contemporain se construit ainsi dans une forme d’atopie et de délocalisation permanente, partout et nulle part en même temps, relié à tout mais désorienté. À la manière d’un sismographe, le roman contemporain enregistre ces éléments, et un certain nombre de récits récents proposent des représentations de l’espace structurées par un imaginaire du flux et du circulatoire, de la connexion et du réseau. Une nouvelle poétique romanesque se dessine, fondée sur des constructions narratives qui privilégient le mouvement et le glissement, les enchaînements asyndétiques et cumulatifs, inventant de nouveaux assemblages ou « voisinages » (M. Serres, Petite Poucette, 2012), un nouvel espace littéraire donc. Dans le même temps s’exprime dans plusieurs de ces romans la nostalgie d’un rapport fondateur à l’espace physique, au point d’ancrage plutôt qu’au lien, qui se manifeste par une forme de mémoire narrative des codes du récit épique et du voyage initiatique, comme un désir de reconquête de l’espace.
Ces points d’analyse seront plus particulièrement examinés à partir des romans suivants : Luc Lang, 11 septembre mon amour (2003), Maylis de Kerangal, Naissance d’un pont (2010), François Taillandier, Time to turn (2010), Laurent Mauvignier, Autour du monde (2014), Aurélien Bellanger, L’Aménagement du territoire (2014), Pierre Ducrozet, L’Invention des corps (2017), Jérôme Game, Salle d’embarquement (2017).