Partition de l’espace dans Les Âmes grises de Philippe Claudel

Une lecture intuitive des Âmes grises permet de percevoir un rôle particulier que joue l’espace et son organisation dans ce roman. Son caractère éminemment spatial est d’ailleurs explicitement rendu dans le titre de la traduction américaine : By a Slow River, syntagme prépositionnel qui exprime un site localisateur.
Notre présentation propose une analyse des procédés textuels et des moyens linguistiques exploités pour organiser l’espace dans l’univers romanesque des Âmes grises. On commencera par une analyse de sa structure globale, afin de vérifier si les paramètres déictiques de proximal et de distal s’appuient sur la distance géographique ou plutôt sur le caractère perceptible et connu des éléments matériels qui remplissent l’espace. Après avoir dégagé les caractéristiques spatiales générales, nous nous tournerons vers la description des villes P. et V., en analysant les moyens linguistiques mis en œuvre pour créer un univers circonscrit, contenu dans des limites bien définies. Selon notre hypothèse, cet effet est obtenu par l’emploi systématique des syntagmes nominaux définis, dont la définitude, bien que d’origines différentes, présente les référents spatiaux selon un mode unique et connu. Sur le plan lexical, nous essaierons de montrer quelles caractéristiques sémantiques des lexèmes nominaux décrivant des endroits familiers sont mises à contribution pour morceler l’espace interne de notre petite ville.