L'espace dans le roman contemporain français :
approches linguistiques et littéraires
Dunkerque, 11-12 octobre 2018

Georges Kleiber

De l’espace en général et…  un peu en particulier
 
Notre porte d’entrée dans le domaine de l’espace sera délibérément linguistique. Le « en général » du titre indique clairement à quel niveau nous nous placerons. Ce ne sont pas les termes et expressions d’aval, noms de niveau basique ou superordonné et verbes et prépositions exprimant ou impliquant l’espace, qui nous retiendront. Ils ont donné lieu à de nombreuses études riches et bien documentées qui, sans atteindre la taille gigantesque des travaux sur le temps, ont contribué à rendre familière la linguistique du domaine spatial. En montant d’un cran, on ne s’arrêtera pas non plus aux noms généraux d’espace comme lieu, endroit, place, etc., analysés de près par Huyghe dans son « enquête linguistique sur la notion de lieu » (Huyghe, 2009). Notre objet d’étude sera le nom espace lui-même. Nous nous proposons en effet d’entrer dans la sémantique du nom espace.
Deux raisons motivent notre choix. La première est que ce nom n’a guère été l’objet d’une attention « linguistique » particulière. Il a certes été abordé par Huyghe (2009), mais uniquement de façon collatérale, essentiellement en contrepoint au trio lieu, place, endroit, sur lequel porte l’essentiel de l’analyse effectuée. Il nous a donc semblé utile d’essayer de combler cette lacune en prenant littéralement l’espace au … « mot ».  
La seconde raison tient au profit que l’on retire de l’analyse de ces noms que nous avons appelés « sommitaux » ou « topiques » (Kleiber, 2010) dont espace fait partie. Leur « sommitalité » met en saillance, d’une manière ou d’une autre, les principales dimensions ontologiques qui structurent le lexique. Nous avons fait un galop d’essai avec espace en 2010. Ce colloque sur l’espace de Dunkerque nous donne l’occasion de reprendre et de continuer notre chevauchée. 
Elle se déroulera en trois parties d’inégale grandeur. La première exposera les difficultés que suscite la généralité d’un nom comme espace et servira par là même de propédeutique aux deux autres saisies toutes deux dans la problématique de l’opposition noms concrets / noms abstraits. La deuxième sera consacrée à l’examen, via des contraintes distributionnelles (*dans de l’espace / dans un espace —> *dedans), du statut immatériel du nom espace. Dans la troisième, nous nous attacherons à résoudre, sur le plan de l’opposition accessible aux sens / non accessible aux sens, le paradoxe « visuel » que pose le nom espace : comment peut-on voir un / de l’espace, alors qu’on ne voit rien ?
 
Références :
Huyghe, R., 2009, Les noms généraux d’espace en français. Enquête linguistique sur la notion de lieu, Bruxelles, De Boeck & Duculot.
Kleiber, G., 2010, « Remarques sur la sémantique du Nom espace », Scolia, 24, 9-21.