Proses de combat : Vers une poétique des espaces de lutte
Barricades, embuscades et combats rangés sont au cœur de l’imaginaire romanesque français. On tracerait ainsi sans peine une historiographie littéraire filant les luttes armées et les révoltes populaires depuis la Chanson de Roland jusqu’à L’Art français de la guerre, en passant par les romans de Stendhal, Hugo, Gracq. Ces champs de bataille, de toutes ampleurs et formes, certains réels et d’autres fictifs, intimes comme internationaux, suggèrent une question de poétique spatiale d’un intérêt tout particulier, car placée à la jonction des codes et des formes de la description et de l’action. Cette conférence visera, dans le contexte des espaces de lutte, à compliquer et à dissoudre l’opposition fondamentale entre l’une et l’autre.
L’étude qui sera à l’origine de cette conférence couvre un large nombre d’œuvres romanesques françaises modernes et contemporaines, ce pourquoi je me focaliserai sur certaines conclusions de portée générale qui permettront de révéler la portée du projet sans surcharger son exposition. Les fondements théoriques essentiels de la conférence incluront l’approche géocritique de Bertrand Westphal (question de négocier les intervalles entre géographies réelles et imaginaires), les modèles anthropologiques de Tuan, Certeau et Augé (pour souligner la strate anthropologique de l’étude), ainsi que la scénographie romanesque d’Isabelle Daunais (d’abord flaubertienne, mais propre à l’analyse de toute scène de combat ou mouvement de foule). Cette présentation se placera également dans le sillage de mon dernier ouvrage, dédié à l’esquisse d’une typologie générale de la poétique spatiale dans le récit. Ce nouveau projet étant attaché à une perspective thématique spécifique, il représentera une mise à l’épreuve concrète du modèle.
Ceci étant dit, l’appropriation intime des textes littéraires représentant le socle de mon approche, ma présentation sera structurée autour d’extraits de deux œuvres romanesques de Jean Rolin : Le ravissement de Britney Spears et Les événements. Toutes deux mettent en scène de multiples situations tactiques et stratégiques, qu’il s’agisse de sauvegarder une starlette à Los Angeles ou de traverser la France en guerre. On y retrouve, au cœur même du récit, une appropriation attentive et ingénieuse des géographies urbaines et rurales. Cet échantillon permettra, d’ailleurs, d’exposer certains des jeux propres à la représentation des luttes armées dans la zone de tremblement entre réel et fiction.